VI - Le triomphe de Créon
Le coryphée, qu’on avait vu sortir puis revenir pendant qu’Antigone dormait, raconte au professeur les événements de la nuit : Le départ de l’armée étrangère - la mort des deux frères dont on a retrouvé les cadavres comme s’ils s’étaient entretués - le triomphe de Créon qui s’est emparé officiellement de la couronne - son premier décret, l’interdiction sous peine de mort d’enterrer Polynice qu’il considère comme traître à sa patrie pour avoir convoqué une armée ennemie.
Le professeur : Pauvre enfant,1 Mais dites-moi, que pouvons-nous pour elle ?
Le coryphée : Hélas, quoi d’autre que la plaindre. Ce ne sont pas des bonnes nouvelles qu’elle va apprendre maintenant.
Le professeur : Parce que vous savez, vous, ce qui s’est passé pendant qu’Antigone dormait ?
Le coryphée : Personne ne sait ce qui s’est vraiment passé pendant la « nuit de cette nuit », pendant ce temps qui est comme une nuit dans la nuit ; le temps des coups tordus, des trahisons et des mensonges. Ecoutez plutôt ce que j’ai vu et entendu tout à l’heure, aux premières lueurs de l’aube. (Emu, épique)
J’ai vu Créon coiffé de son casque à crinière,
Caracolant au pied des remparts et chantant victoire,
Parce que les armées ennemies avaient levé le camp.
Je l’ai vu ensuite, près des cadavres de Polynice et d’Etéocle
Qui, épée en main, semblaient s’étreindre.
Le professeur : Parce que Polynice et Etéocle sont morts ? Tous les deux ?
Le coryphée : Oui ! Comme s’ils s’étaient tués l’un l’autre... Et puis…
J’ai vu Créon, sur son cheval qui les piétinait presque...
Créon qui criait : (contrefaisant sa voix, ton d’une harangue)
« Voyez ces deux-là ! (avec quel mépris il a dit « ces deux-là »).
Ils se sont tués l’un l’autre, ennemis qu’ils étaient !
L’un, Etéocle, pour défendre sa patrie, L’autre, Polynice, pour l’enchaîner. Et il a continué…
Ecoutez maintenant cette loi que promulgue votre nouveau roi !
(Car, en tant que plus proche parent d’Etéocle, Le roi, désormais, c’est moi.)
Il sera fait à Etéocle de grandes funérailles.
Quant au traître, Polynice,
Défense à quiconque, de lui donner une sépulture,
SOUS PEINE DE MORT,
Ce sont ses mots : « Sous peine de mort ! »
Et il a poursuivi…
Que personne n’approche son cadavre.
Qu’il reste ici, la proie des oiseaux et des chiens !
Telle est désormais la loi de notre patrie :
Honneur à ceux qui la servent et la défendent,
Mort et châtiment à ceux qui veulent l’anéantir ».
Voilà ce que j’ai vu et entendu, et qu’Antigone ne va pas tarder à apprendre.
Le professeur : Ecoutez ...
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