Drame en 14 épisodes

Nicolas Wapler / 2012-2017

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XIII - La catastrophe

(?)

« Ils sont morts ! » Un messager, de retour de la grotte, annonce qu’Antigone s’est tuée, et après elle, Hémon, et aussi Eurydice, la femme de Créon et mère d’Hémon.

Après le temps de silence entre les trois personnages, on les voit, l’oreille aux aguets, comme entendant un cri venant de dehors, d’assez loin !
Dans toute cette scène une terrible angoisse saisit Créon. Elle prend le dessus sur son discours qui reste toutefois, celui de son cynisme et de sa logique qui progressivement s’effondre.

Créon : Qu’est-ce que c’est ?

Le coryphée :
Quoi ?

Créon :
Ce cri ... qu’on aurait dit d’une bête !

Le coryphée :
Je… (s’approchant de la porte qui conduit à l’extérieur pour regarder)
Ah, Créon ! Je crois bien que les choses ne se sont pas passées comme tu les as pensées. Je vois un messager. C’est le garde qui a conduit Hémon dans sa chambre tout à l’heure.

Créon :
Ah ! Celui-là !

Le coryphée : Il est en train de parler à....

Créon : A qui ?

Le coryphée : A Eurydice, ta femme... Et je crains qu’il ne lui ait appris une bien mauvaise nouvelle !

Créon : (sûr de lui) La mort d’Antigone ! Elle s’en remettra !

Le professeur : Parce que... tu crois qu’elle est morte ?

Créon : Non. (agacé) Mais cessez donc de me soupçonner en permanence. J’ai le droit d’imaginer qu’elle n’a pas supporté d’être emmurée vivante... Si elle est morte, ce n’est pas par moi. D’ailleurs, c’est officiel, j’ai tout fait pour qu’elle ne meure pas... par moi en tout cas.

Le professeur : (ironique) Tu veux dire que tu as tout fait pour qu’elle meure, mais pas par toi !

Créon : Oui... Ou plutôt non. Mais vous êtes agaçants à la fin. Je suis innocent et je ne sais pas si elle est morte.

Le coryphée : Tu vas le savoir dans un instant. Mais... je ne crois pas qu’Eurydice pleure Antigone. Son affection pour elle est connue, c’est vrai, mais elle n’aurait pas crié comme ça ! (Il va vers la porte comme pour regarder de nouveau dehors, puis sur un ton très inquiet) Créon ! Je ne vois plus Eurydice ! Je ne vois plus que le garde ! Il est seul maintenant, et très agité... Il semble donner des ordres à des soldats... agités eux aussi. (pause) Mais le voici qui s’approche.

Créon : (autoritaire) Dis-lui de se dépêcher ! Temps d’attente... gestes de grande agitation de Créon qui ne tient pas en place...

Le garde entre et s’immobilise

Créon : (sèchement) Alors ! Qu’est-ce que tu nous annonces ?

(le garde, tend la main pour parler, mais il semble y renoncer. Il baisse la tête.)

Créon : (brutal) Ho ! Ça vient ?

Le garde : (très sombre) Oui...

Créon : (insistant) Vas-y ! Parle !

Le garde : (solennel à voix bien audible) Ils sont morts !

Créon :
(épouvanté) Qui ? Qui est mort ?

Le garde : C’est...

Créon : Qui est mort ? C’est la petite qui est morte, hein ! La petite ?

Le garde : (comme s’il ne comprenait pas) La petite ?

Créon : C’est la fille qui est morte ?

Le garde : Hémon !

Créon : (comme s’il ne comprenait pas) Hémon ?

Le garde : Hémon, oui. Et Eurydice aussi est morte. Il y a un instant.

Créon : Eurydice ? Morte ?

Le garde : Elle s’est jetée au bas des remparts quand je lui ai annoncé la mort de son fils. Mais Créon ! Ecoute ! Ecoute ! Les maçons étaient là pour murer l’entrée de la grotte. D’abord il y en a deux qui n’ont pas supporté. Ils ont jeté leurs outils par terre et ils sont partis en vociférant contre toi des malédictions. Les autres ? Pendant qu’ils discutaient entre eux disant qu’ils n’avaient pas assez de pierres, qu’il fallait plus de mortier, qu’il fallait aller chercher de l’eau et du sable à la rivière, qu’à cette heure du jour on ne pouvait rien faire ! L’un d’eux l’a vue,- elle,- au fond de son tombeau qui essayait de se pendre ! Il s’est précipité mais il est arrivé trop tard. (Pause, puis ironique sur le ton du désespoir) C’est bizarre, hein ! Tout était prêt pour qu’elle fasse ça ; la corde, le nœud, - très professionnel le nœud,- le crochet dans la roche, la pierre, juste au bon endroit pour grimper dessus. Tout ça était là, comme par hasard. Vraiment curieux ! Tu ne trouves pas ?
C’est alors que nous sommes arrivés Hémon et moi : Hémon, tout plein d’espoir encore. Il est entré dans la grotte. Joyeux, oui, joyeux ! (très courte pause)
Jamais je n’oublierai son cri. Hors de lui, il s’est jeté sur elle, l’appelant, l’embrassant, la caressant, la berçant dans ses bras comme pour la ramener à la vie ! Puis il nous a regardés. Personne n’a pu l’empêcher de se percer le côté avec son épée et de mourir en étreignant le corps sans vie de celle que tu as tuée. Voilà Créon ! Ton œuvre !

Créon : (anéanti) Mon œuvre ! (pause) C’est vrai ! Mon œuvre ! C’est bien par moi que tout est arrivé !

 

 

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Hémon & Antigone © Nicolas Wapler 2012